Chroniques d'avril 2008

[Marc Poteaux]

4.64 AUT Electronica / recherche sonore
AUTECHRE : Quaristice
Autechre est dans le milieu electronica une légende vivante. Torturé, expérimental, étrange, scientifique, de nombreux qualificatifs peuvent être associés au genre particulier que le duo pratique depuis maintenant 17 ans et 9 albums. Chaque nouvel effort amène un peu plus loin le groupe (l'entité ?) dans sa démarche déconstructiviste, et réduit les frontières entre ce qu'il est convenu d'appeler musique et ce qui est purement et simplement considéré comme du bruit. Il est certain que les collages et les croisements sonores produits par les britanniques ne sont pas l'art le plus facile à appréhender, en particulier pour les non-initiés. Le connaisseur, lui, verra dans ce "Quaristice", et avec une certaine amertume, la suite logique de son prédécesseur. A savoir des titres de moins en moins orientés vers le plaisir du rythme, et de plus en plus vers une forme de recherche, de pureté du son et de robotisation excessive qui hélas nuit à l'impact mélodique de l'ensemble. Un peu d'huile dans les circuits ne ferait pas de mal ! (Marc Poteaux)
Warp (dis. Discograph) WARPCD333

[Marc Poteaux]

4.23 EZ3 Dub fusion
EZ3KIEL : Battlefield
Ez3kiel est un groupe sur lequel on ne peut pas compter. Et on les en remercie. Depuis la création de leur entité, les français pratiquent l'échangisme musical, font valser les étiquettes, expérimentent à tout va, se créent des châteaux de son qu'ils détruisent la seconde d'après avec une jouissance non feinte. Electronica, dub, pop, rock, musique de film, musique d'avant-garde se télescopent sur ce nouveau champ de bataille qui s'offre à nos oreilles, et sur lequel nous nous aventurons à nos risques et périls. Si l'album est dominé par des morceaux lourds et graves, très cinématographiques, parfois une voix très Pattonienne ("Spit On The Ashes") ou plus hip hop ("Alignment") fait son apparition . Ensuite, petit à petit, les éléments électro font leur apparition, et arrivent le rock le plus sauvage ("Firedamp"), les clins d'œil à la grande musique ("The Montagues And The Capulet", reprise de Prokofiev), pour finir avec un morceau en forme de coucher de soleil dans un film de Romero ("Wagma"). Vous l'aurez compris, cet album est gris poussière, de celle qui balaie les ruines et les espoirs, et ne laisse que la vérité nue, érodée, cruelle ; le monde est un champ de bataille. Mais Ez3kiel prend garde à ne pas éteindre la petite flamme d'espoir qui reste à l'auditeur, et on ressort de l'écoute intégrale de cet album d'une humeur moins sombre que lui ne l'est, et juste avec la certitude d'être en présence d'un grand disque, un de ceux qui redéfinissent un genre. (Marc Poteaux)
Jarring Effects (dis. Discograph) FX68

[Marc Poteaux]

4.22 GOL Trip pop
GOLDFRAPP : Seventh Tree
Après une période marquée par un virage pop disco tonitruant, Alison Goldfrapp s'en retourne à de plus pacifiques (pour les pieds s'entend) dispositions. Il n'en fallait pas plus à quelques journalistes avides de raccourcis faciles pour annoncer sans ciller un retour aux sources vers le très beau "Felt Mountain", premier opus nettement orienté trip hop du groupe. Mais à l'écoute des premiers titres de ce quatrième album, on s'interroge ; certes, on y perçoit une nette accalmie, mais où est la mélancolie ? L'herbe est verte, les oiseaux chantent, les feuilles bruissent, tout est tranquille, et même un peu trop. Très pop et positif, ce disque, du début à la fin, ne rappelle que très rarement le disque précité, au travers de quelques instrumentations ou intonations de voix tout au plus. Ou de ce manteau sonore cotonneux qu'il se plaît à revêtir. Mais mis à part (et même avec) ces éléments, le fan de la première période quittera ce disque désappointé et déçu, et s'y sera probablement assez ennuyé pour ne plus y revenir. (Marc Poteaux)
Mute (dis. Labels) CDSTUMM280