LIVRES - dernier trimestre 2004

Archives

Modérateur : Lopez Noël

Verrouillé
archive
Messages : 0
Inscription : mar. 14 juin 05 8:52

LIVRES - dernier trimestre 2004

Message par archive »

LAURENT GERRA, ACHDE, d’après MORRIS
Lucky Luke, La Belle province,
Paris/Bruxelles,
Lucky Comics, Dargaud,
2004, 46 p.

C’est l’événement de la rentrée en France cet automne et qui a présenté en primeur lors de la Buchmesse de Francfort : la sortie d’une bande dessinée, la 72e histoire des aventures de Lucky Luke. Cette bd est d’autant plus importante que c’est la première à sortir depuis la mort du créateur de Lucky Luke le belge Morris (1923-2001). La chanson est à l’honneur (avec des personnages comme Céline, son mari René [Angélil], Robert Lindberg) comme l’alimentation (poutine (p. 9), haricot au lard (p. 12)) c’est qu’elles constituent une façon qu’a utilisé le scénariste et humoriste Laurent Gerra pour mettre en relief les stéréotypes du Québec. Le scénariste va même jusqu’à faire allusion à des chansons comme « La complainte du phoque en Alaska » (p. 8), « Je reviendrai à Montréal » (p. 46) « Ordinaire » (p. 41). Plutôt que de traquer Brad Carpett, Luke préfère suivre l’amour de Jolly Jumper rencontrée lors d’un rodéo, une belle jument nommée Province dont le propriétaire se nomme nul autre que Mario Bombardier, allusion faite à la célèbre compagnie que fonda Joseph-Armand Bombardier. C’est donc en la belle province que Luke part à la recherche de la jument mais il tombe sous la main d’un banquier louche et pervers, le riche américain Dean Mac Habann qui veut détourner le projet de réseau ferroviaire de Louis-Adélard Sénacal en s’appropriant l’ensemble du pays. Les allusions historiques sont nombreuses bien que parfois approximatives (usage du drapeau québécois dans une récit que l’on situe au XIXe siècle, dispersion du français en Amérique du Nord limité à l’Acadie et à la Louisiane (p. 4), la notion de Canadien français qui apparaîtrait au moment de l’Acte d’Union (p. 5). De plus, la bande dessinée vulgarise l’histoire de la colonisation en présentant la dite mission de Jacques Cartier comme une conquête linguistique au détriment des motifs historiques réels (recherche d’une voie maritime conduisant vers l’Est). Bref, si la toile de fond historique mérite quelques nuances, il n’en demeure pas moins que le Québec s’est trouvé un outil de promotion exceptionnel. A cet égard les québécismes sont nombreux : tabernac (p. 6), police montée (p. 15), maringouin (p. 29), érablière (p. 16) et cabane à sucre (p. 19). On y cite maintes fois la devise du Québec « Je me souviens » (p. 5, 13). Mais afin de ne pas perdre le lectorat français le scénariste a aussi inclus des personnage français comme Bernard Henry Lévy-Strauss (p. 10) dont le nom est un heureux mélange inspiré du philosophe et de l’anthropologue puis Jean Pierre Gauthier (p. 14) inspiré du nom du couturier, puis l’allusion aux centres commerciaux Leclerc qui fait référence en même temps au chansonnier Félix Leclerc (p. 23) dont le nom de la chanson « Le p’tit bonheur » sert de nom pour un hôtel que rase Mac Habann qui repart en chantant la chanson de Leclerc. Rarement aura t-on vu autant de références à la chanson dans une bande dessinée de Lucky Luke, ce qui n’est certes pas sans être le reflet de l’importance médiatique de cette dernière en France. Etonnant que Linda Lemay n’y figure pas. Etonnant surtout qu’une bande dessinée destinée surtout aux jeunes fasse allusion à des artistes qui leur sont peu connus de nos jours. Mais n’enlevons pas tout le crédit à cette bande dessinée qui tout en versant dans le cliché des poutines qui volent bas dans les saloon au moment des chicanes (cette dite coutume locale) sait susciter l’intérêt du lecteur pour une jument qui séduit à chacun de ses pas…une belle province et par un humour qui témoigne d’une connaissance certaine de la France comme du Québec voire même de la Belgique dont l’entartage pourrait constituer un des stéréotypes récents (p. 10). Bref, un coup de crayon d’Achdée qui remplace avec brio celui de Morris, un Jolly Jumper convainquant et un Lucky Luke orné de son chapeau blanc et de son foulard rouge toujours aussi vertueux se délestant quelques temps des inimitables Frères Dalton.
Jean-Nicolas De Surmont

DOM EUGENE CARDINE : La direction du chant grégorien
Solesmes, 2003, [32] p.

Issu de l’Ecole de Solesmes où il est entré au monastère bénédictin en 1928, Eugène Cardine a longtemps dirigé l’Atelier de paléographie maintenu tenu par Dom Saulnier. Son petit livre est d’une grande simplicité, d’une rigueur et d’une concision qui font de lui un petit manuel, spécialisé certes, mais facilement compréhensible dans sa texture stylistique. La sémiotique manuelle aussi bien que celle du phrasé musical y est présentée. La pratique de direction est le fruit d’un contact intime entre le musicien et ceux qu’il dirige et exige du directeur dosage et adaptation au situations. La direction est « bonne dans la mesure où elle obtient le résultat recherché » d’affirmer Dom Cardine. La petite étude présente donc aussi les qualités psychologiques et pédagogiques, parfois oubliées, nécessaires au travail de pratique de la direction musicale.
Jean-Nicolas De Surmont

EMMANUEL BONINI : Joséphine Baker, 100 images pour une légende
La Lauze, 2001, [s.p.]

On a déjà consacré plusieurs ouvrages à la métisse américo-française Joséphine Baker, chanteuse de music-hall à la personnalité exaltée et généreuse…et avant tout excentrique. L’originalité de cet ouvrage est la qualité de sa documentation et la nature des informations qu’il fourni. En effet, Bonini a recours à plusieurs pièces d’archives. Il divise son imagier en plusieurs chapitres : l’enfance, les amours, ses maisons, ses combats, etc. Plusieurs pages évoquent son domaine des Milandes où ses clients profitant de sa naïveté vont souvent la voler et ce, paradoxalement, après qu’elle ait rendu service pendant des années au Services des renseignements généraux du Général de Gaulle en plus d’être très apprécié des milieux princiers marocains et discrédité par la mafia new yorkaise. Elle fut maintes fois missionnée pendant la seconde guerre mondiale dans les hauts lieux politiques. Son prestige, son originalité ne furent pas sans créer des scandales chez son public parisien. Peut-on reprocher à Baker d’être précoce? De la même façon elle pris part au combat des afro-américains, un aspect méconnu de sa carrière. Mais partout on salue son talent, elle « continue d’avancer dans la vie avec une élégance rare, une générosité et une simplicité à toute épreuve, même si parfois le caprice l’emporte sur la raison ». Joséphine Baker, un bel exemple de la libération du combat des femmes et de celui des Noirs pour les libertés individuelles. Cet ouvrage, plus qu’un album de photo, s’intéresse peu aux chansons de Baker mais plutôt aux aspects polémiques de ses activités.
Jean-Nicolas De Surmont

LOUISE PORTAL : Portal en chansons
Ecrits des forges, le Temps des cerises, 2003, 133 p.
Diff. Librairie du Québec (Paris)

Dans les années 1980, Louise Portal s’est fait chanteuse, chanteuse sexy, chanteuse rocky ; un tantinet inspirée par Jeanne Moreau mais sur un ton plus rock. Elle a développé parallèlement une solide carrière d’actrice (dans le Déclin de l’Empire Américain et les Invasions barbares par exemple) et d’écrivaine (Jeanne Janvier, l’Enchantée, etc.). Dans ce recueil co-édité par la France et le Québec, Portal a choisi de publier l’ensemble de se production de chansons. Les chansons de Portal sont une longue prose poétique dont le style autobiographique rappelle en plusieurs points les passages de son dernier roman (l’Actrice)publié à Montréal chez HMH (2004, 348 p. ), notamment la vie d’actrice, ses amours et ses déceptions, l’éloge de la femme et le paradoxe de la féminité séductrice mais ne voulant guère plaire grâce à ses atouts. Certes la différence entre l’autographie et l’autobiographie romancée serait difficile à partager dans la mesure où l’auteure se réinvente dans une multitude de personnages.
Le dernier album de Portal a été écrit en collaboration avec Thierry Séchan, parolier régulier des chanteurs québécois. Louise Portal possède son site web à l’adresse www.louiseportal.com. Un autre album devrait paraître en 2005.
Jean-Nicolas De Surmont

PATRICE DELBOURG : Mélodies chroniques ; la chanson française sur le gril
Le Castor Astral, 1994, 314 p.

Entre les années mousseline et les années de plomb, Delbourg fabrique des portraits de chanteurs de la scène française de Renaud à Vian en passant par Ferré, Brassens, Laurent Voulzy, Charles Aznavour, Gilbert Lafaille, Lucien Francoeur : les chroniques sont d’inégales valeurs et sont parues aux Nouvelles littéraires puis à l’Evénement du jeudi entre 1979 et 1994. Les portraits ne sont pas toujours élogieux mais le vocabulaire pour décrire les chanteurs est dans tous les cas très stylisés argotique dans le style de l’argot de certains journaux parisiens mais aussi riche lexicalement. A lire ce livre on est surpris de l’originalité du style qui n’a rien a voir avec les essais sur la chanson.
Jean-Nicolas De Surmont

SANDRA LOUREIRO DE FREITAS REIS : Essais sur l’art vol 1 Musicologie, Sémiologie et Philosophie, Mãos Unidas Edições Pedagogicas Ltda., 2004, 118 p.
La musicologie brésilienne, dont le cursus universitaire est pluridisciplinaire développe quelques uns des grands traits de son système d’analyse d’art comparé mettant de l’avant le champ artistique pictural, musicale littéraire. Elle emprunte à l’esthétique et surtout à la sémiotique de Ruwet, Pierce et Nattiez puis chez des philosophes comme Hegel ses fondements théoriques dans ce petit essais dont certains fragments sont issus de sa thèse de doctorat soutenu en littérature comparée. Le dominante littéraire et philosophique transparaît dans ces idées bien que la connaissance musicologique sert de toile de fond. L’auteure s’intéresse à la traduction intersémiotique, à des concepts esthétiques comme la mimésis, la copie et le simulacre, dans lesquels elle essaie de faire comprendre que les gestes sont des tentatives de communication et que l’élément imité est l’antécédant et l’imitation le conséquent l’un et l’autre pouvant parfois se confondre et être la négation de l’autre. Certains chapitres de cet ouvrage s’inscrivent dans la continuité de A linguagem Oculta da Arte Impressionista paru en portugais chez le même éditeur (2001, 447 p.). Les œuvres citées à l’appui sont puisée dans la tradition musicale et poétique de la France entre autres, mais aussi du Brésil.
Jean-Nicolas De Surmont

RINALDO ALESSANDRINI : Monteverdi
Actes Sud, 2004, [173] p.

Comment pourrait-on nommer ce petit ouvrage qui n’est en définitive ni un essai, ni une biographie de Claudio Monterverdi mais les deux en même temps ? En tout les cas, l’auteur ne tente pas de verser dans l’érudition comme l’ont fait d’autre avant lui précise t-il. Il met néanmoins en relief la place centrale qu’occupe Monteverdi à cette époque de floraison de l’opéra, de l’invention de la basse continue, du chant polyphonique et de l’essor du madrigal, une composition vocale polyphonique en général pour cinq voix dont Monteverdi a poussé l’art à son summum. Le petit ouvrage se lit bien et s’intéresse tout autant aux œuvres du compositeur italien qu’à sa vie notamment marquée par la polémique Artuso. Des extraits de madrigaux sont finement analysés sur plusieurs dizaine de pages ce qui donne aussi au contenu une dimension analytique. Des indications discographiques complète l’ouvrage.
Jean-Nicolas De Surmont
Verrouillé